Guide sur la restauration des cours d’eau

Méthodes alternatives à l'entretien des cours d’eau au Québec

Aménagements fauniques et corridor écologique

Description

Cette fiche technique, réalisée par le CRECQ et COPERNIC, présente une revue détaillée des aménagements fauniques qu’il est possible de mettre en œuvre dans le cadre d’une opération d’une restauration ou d’un entretien des cours d’eau. Elle présente également des aménagements complémentaires réalisables dans le corridor écologique terrestre adjacent au cours d’eau, afin d’améliorer la connectivité écologique globale et de soutenir la biodiversité environnante.

S’appuyant sur une approche systémique, les différents aménagements proposés visent à rétablir la connectivité écologique en intégrant des mesures adaptées aux besoins spécifiques de divers groupes d’espèces – amphibiens, reptiles, oiseaux, insectes, poissons et mammifères –, tout en s’inscrivant dans un contexte spécifique des enjeux environnementaux.

Ce document constitue un outil pratique pour les gestionnaires des cours d’eau, en offrant des conseils techniques et des ressources permettant d’optimiser le choix et la mise en œuvre des interventions sur le terrain. L’approche adoptée repose sur une large sélection des aménagements à portée faunique, réalisables dans un corridor de 100 m de part et d’autre d’un cours d’eau. Ainsi, bien que certains dispositifs ne soient pas directement liés à la restauration du cours d’eau, ils sont présentés comme des aménagements complémentaires favorisant la connectivité écologique et renforçant la biodiversité locale.

Bande riveraine arborescente en milieu agricole (source : COPERNIC)

Contexte

Les cours d’eau du Québec, notamment ceux des Basses-Terres du Saint-Laurent, ont subi d’importantes transformations (redressement, recalibrage) qui ont conduit à une uniformisation des habitats et à une perte de naturalité. Ces modifications altèrent les fonctions écologiques des milieux humides et hydriques, essentiels pour prévenir l’érosion, réguler les crues et assurer l’épuration des eaux.

Dans un contexte où la restauration écologique prend de l’ampleur et où l’on privilégie de plus en plus des approches alternatives low-tech, l’objectif est de rétablir les écosystèmes dégradés en réintégrant la dimension faunique. La connectivité entre habitats, indispensable au déplacement, aux échanges génétiques et à la survie des espèces, devient ainsi une priorité majeure. De plus, il faut prendre en compte les besoins spécifiques en matière de corridors écologiques terrestres englobant le cours d’eau.

Cette fiche présente un éventail de 31 aménagements, conçus pour offrir aux gestionnaires des cours d’eau, une diversité d’approches adaptées aux groupes fauniques visés. Afin de mieux orienter les interventions, trois contextes d’application ont été considérés : le milieu agricole, le milieu forestier privé et le milieu urbain, chacun présentant un degré de perturbation et des contraintes spécifiques. Chaque aménagement est ainsi associé à un ou plusieurs milieux d’application et précise les groupes d’espèces bénéficiaires, permettant une planification ciblée et efficace.

Largeur minimale recommandée de corridor écologique pour différents groupes d’espèces (inspirée de Bentrup, G. 2008, p.58, dessiné par Audrey Robert)

Présentation des groupes d’espèces visée

La fiche cible plusieurs groupes fonctionnels d’espèces dont les besoins en habitat sont étroitement liés à la connectivité écologique :

  • Amphibiens, tortues et couleuvres : Dépendent d’habitats aquatiques et terrestres interconnectés, avec des zones de reproduction, de ponte et d’hibernation.
  • Oiseaux champêtres et sauvagine : Utilisent les milieux agricoles pour se nourrir et se reproduire, nécessitant des corridors pour migrer entre les champs, prairies et espaces verts.
  • Insectes (pollinisateurs, prédateurs et parasitoïdes) : Dépendent de zones riches en biodiversité (prairies fleuries, friches) pour se nourrir et se reproduire, ce qui favorise également le contrôle naturel des ravageurs.
  • Poissons : La continuité des milieux aquatiques est cruciale pour leur cycle de vie (frai, alimentation, refuge) et pour le maintien de la diversité génétique.
  • Rapaces et oiseaux de proie : Nécessitent des sites de nidification spécifiques et des zones ouvertes pour chasser.
  • Chauves-souris : Requiers des corridors naturels pour se déplacer entre leurs sites de repos, de reproduction et de chasse.
  • Grands mammifères et micromammifères : Utilisent des corridors terrestres pour accéder aux ressources alimentaires et pour assurer les échanges entre populations.

En répondant aux besoins de ces groupes dits « parapluie », les aménagements fauniques bénéficient indirectement à de nombreuses autres espèces, renforçant ainsi la biodiversité globale.

Conception

Les aménagent fauniques sont applicable dans trois environnements principaux, chacun présentant des caractéristiques spécifiques :

  • Milieu forestier privé
    Dans les forêts privées, souvent exploitées pour la sylviculture, les cours d’eau jouent un rôle clé en assurant la connectivité écologique. Les aménagements, tels que la restauration des zones riveraines et la création de corridors boisés, visent à préserver les habitats essentiels tout en conciliant les activités forestières et la conservation de la biodiversité.
  • Milieu agricole
    Les perturbations historiques et l’intensité des activités humaines rendent essentiel le rétablissement des habitats naturels dans les zones agricoles. Les aménagements visent à restaurer la mosaïque d’habitats (bandes riveraines, haies champêtres, coulées agricoles) pour favoriser la coexistence entre l’activité agricole et la biodiversité, améliorant ainsi les services écosystémiques (contrôle biologique des ravageurs, réduction de l’érosion).
  • Milieu urbain
    En zone urbaine, la fragmentation des habitats et la pression des infrastructures posent d’importants défis. La restauration des cours d’eau, la création de bandes riveraines, de corridors verts et d’espaces humides urbains permettent de reconnecter les milieux naturels et d’améliorer la qualité de vie, tout en favorisant la présence d’espèces fauniques dans un contexte de développement urbain.

Exemples d’aménagements et ressources disponibles

La fiche propose une diversité d’aménagements fauniques pouvant être intégrés dans le cadre d’une restauration ou d’un entretien des cours d’eau. Ces aménagements se divisent en deux catégories : ceux spécifiquement conçus pour restaurer la fonctionnalité écologique des cours d’eau et ceux complémentaires, qui renforcent la connectivité écologique et la biodiversité environnante. Voici un aperçu des interventions possibles :

  • Étangs temporaires et permanents
    Aménagement spécifique : Création ou restauration de sites de reproduction pour amphibiens et poissons, afin de fournir des points d’eau essentiels dans la mosaïque des habitats aquatiques.
  • Structures thermiques pour reptiles
    Aménagement spécifique : Mise en place de plateformes de lézardage pour tortues et pierriers pour couleuvres, permettant leur thermorégulation dans des milieux où les structures naturelles font défaut.
  • Haies champêtres, bandes riveraines et corridors boisés
    Aménagement complémentaire : Aménagement de structures linéaires qui restaurent la connectivité écologique entre des habitats fragmentés, en offrant des refuges et des corridors de déplacement pour la faune terrestre.
  • Aménagements spécifiques (castor, zones de non-coupe, sites incultes)
    Aménagement complémentaire : Interventions ciblées pour gérer la présence du castor, valoriser des terrains abandonnés ou restaurer des zones de non-coupe, afin de favoriser la repousse naturelle et améliorer la connectivité écologique globale.

Pour une description complète des 31 aménagements ainsi que l’ensemble des ressources techniques et des guides détaillés, une trousse d’outils est mise à disposition dans la fiche complète.

En offrant aux gestionnaires des cours d’eau un large éventail d’aménagements spécifiques et complémentaires, cette fiche leur permet d’optimiser leurs interventions pour renforcer à la fois la fonctionnalité écologique des cours d’eau et la biodiversité des milieux environnants.

Conseils techniques

La réussite de la mise en œuvre d’aménagements fauniques dépend d’une planification rigoureuse et d’une adaptation aux dynamiques naturelles du milieu. Pour assurer l’efficacité des aménagements fauniques, plusieurs facteurs doivent être pris en compte :

Effets à long terme et entretien

Les aménagements, notamment ceux en bordure de cours d’eau, évoluent avec la dynamique hydrologique et végétale. Un suivi régulier et une surveillance continue sont indispensables pour ajuster l’entretien et prévoir un budget adapté aux changements constants du milieu.

  • Entretien et suivi à long terme : Les aménagements évoluent avec le milieu. Un suivi régulier permet d’ajuster leur gestion et d’optimiser les ressources.
  • Adaptation aux changements climatiques : Intégrer la résilience écologique et la connectivité des habitats pour mieux répondre aux défis futurs.
  • Restauration passive : Favoriser la régénération naturelle pour limiter les interventions actives.
  • Espèces parapluies et optimisation des coûts : Prioriser certains habitats clés bénéficie à un large éventail d’espèces.
  • Conciliation des usages : Adapter les aménagements aux infrastructures et activités humaines pour assurer leur pérennité.
  • Concertation locale : Impliquer les acteurs du territoire, notamment les Premières Nations, pour une intégration adaptée aux réalités régionales.
  • Bonnes pratiques en conception : Éviter la destruction d’habitats existants et le surdimensionnement des ouvrages. Conserver ou valoriser les éléments d’importance faunique (chicots de grande taille, arbres vétérans, points d’eau existants) ainsi que le contrôle des espèces exotiques envahissantes (EEE)

Enfin, l’entretien et la mise à jour des aménagements sont cruciaux pour assurer leur efficacité à long terme. La fiche complète présente des indicateurs de performance et un guide méthodologique pour la gestion du cycle de vie des dispositifs.

Chaque dispositif d’aménagement nécessite un suivi rigoureux pour garantir sa pérennité et son efficacité écologique. Par exemple, les bandes riveraines et corridors boisés requièrent des interventions ponctuelles (coupe sélective, réensemencement) pour préserver leur structure et leur fonction. De même, les infrastructures telles que les ponceaux ou les passages fauniques demandent un entretien régulier afin de maintenir une connectivité optimale. Tous les détails relatifs aux procédures d’entretien, au cycle de vie des dispositifs et aux indicateurs de performance sont précisés dans la fiche complète.

Entretien et cycle de vie

La version détaillée de la fiche propose une multitude de ressources pour guider sur l’entretien et le cycle de vie des aménagements présentés.

Autres considérations

Pour maximiser la réussite des interventions et bonifier le corridor écologique terrestre entourant le cours d’eau à restaurer, il est recommandé de se rapprocher de partenaires spécialisés. Collaborer avec des organismes tels que l’Initiative québécoise pour les corridors écologiques (IQCE), des organismes de bassins versants (OBV) ou les Conseils régionaux de l’environnement (CRE) permet de bénéficier d’une expertise technique et d’une connaissance approfondie du territoire. Cette collaboration favorise une planification intégrée et un suivi rigoureux, optimisant ainsi la mise en œuvre des aménagements fauniques et renforçant la connectivité écologique du corridor environnant.

Références

Cédric Darbon, M.Sc. Chargé de projet

Audrey Robert, M. Sc. Chargée de projet