Guide sur la restauration des cours d’eau

Méthodes alternatives à l'entretien des cours d’eau au Québec

Bois mort en rivière et analogues de barrages de castors

Description

Les interventions décrites par la présente fiche technique concernent l’utilisation du bois pour restaurer ou prévenir la dégradation des fonctions écologiques des cours d’eau. Cette famille de techniques appartient aux approches dites low-tech qui permettent de maximiser le ratio bénéfices/coûts.

Contexte

De nombreux cours d’eau au Québec ont été drastiquement simplifiés : linéarisés, creusés, symétriques et dépourvus d’obstructions. Ils ont été – et continuent d’être – vidés de leur bois mort de grande taille et/ou privés de leurs sources en bois notamment en raison du retrait de la végétation arborée en bande riveraine. Dans ces cours d’eau réduits à des canaux d’évacuation, l’eau et les sédiments circulent rapidement, sans véritable interaction avec l’espace riverain.

L’utilisation du bois vise à pallier ce déficit structurel dans les cours d’eau. L’intention consiste à renouveler la complexité des cours d’eau simplifiés et à en restaurer les processus dynamiques capables de l’entretenir avec le temps. Cette approche permet de tirer profit des services écosystémiques associés : rétention sédimentaire, augmentation des échanges hyporhéiques, dissipation de l’énergie de l’eau et diversification des habitats.

Deux tronçons adjacents de la rivière Fourchette sans bois (a) et avec bois recruté naturellement (b) dans le chenal. Crédit photo : Rivières

Conception

L’utilisation du bois repose en grande partie sur la capacité du cours d’eau à façonner et ajuster lui-même son aménagement. Ainsi, les configurations morphologiques précises à construire ne sont pas entièrement définies à l’avance. Cette approche réduit généralement le besoin de modéliser les impacts anticipés et élimine la nécessité de plans et devis scellés par un ingénieur, puisque le cours d’eau lui-même assure lui-même ces ajustements au fil du temps.

Conseils techniques

  • Le choix et la pertinence de la technique utilisée dépendent du contexte (taille du cours d’eau, style fluvial, degré de confinement, déficit structurel, enjeux socio-économiques et objectifs de l’aménagement).
  • Lors de la réalisation des travaux, il importe d’adopter une approche axée sur l’amélioration des fonctionnalités écologiques plutôt que de reproduire des travaux d’ingénierie conventionnelles en cours d’eau. Autrement dit, on ne cherche pas ici à obtenir un résultat « propre et ordonné », car cela nous amènerait à simplifier les structures. L’objectif est de favoriser des structures complexes et irrégulières, à l’image des processus naturels, car ce sont elles qui s’avèrent les plus efficaces.
Type d’intervention Emprise hydraulique Perméabilité Contexte d’utilisation
Recharge de bois Variable, mais généralement limitée Élevée Favoriser la complexité morphologique
Bois ancré (en berge ou central) Inférieure à la largeur du chenal Élevée

 

Favoriser la complexité morphologique
Bois ancré (transversal) Toute la largeur du chenal Élevée Favoriser la rétention sédimentaire et la connectivité latérale
Analogues de barrage de castor (ou réintroduction du castor) Chenal et au-delà (verticalement et horizontalement)

 

Relativement faible

 

Cours d’eau à faible pente ; restaurer la connectivité latérale et favoriser la rétention sédimentaire
 Impact du bois mort ancré sur les cours d’eau présentant un déficit structurel, après 1 an

Entretien et cycle de vie

Les structures en bois installées sont elles-mêmes appelées à évoluer, à se déconstruire et à se reformer sous forme d’embâcles. Il s’agit d’un traitement temporaire : une fois réparé, le cours d’eau devient plus souvent qu’autrement apte à maintenir son bon fonctionnement de manière autonome. Le bois est donc un outil servant à accélérer la restauration des cours d’eau. Il donne la capacité aux cours d’eau de se restaurer par eux-mêmes et à leur façon et à leur propre rythme– laisser le système faire le travail.

Néanmoins, pour assurer la pérennité des bénéfices, il est essentiel de favoriser le recrutement naturel de bois dans le cours d’eau. Dans certains cas, l’entretien des structures peut être nécessaire afin que l’activation des processus soit suffisante pour permettre la restauration autonome du cours d’eau.

Autres considérations

  • Bien que fréquemment soulevée, la préoccupation selon laquelle les barrages de castors et le bois mort en rivière constitueraient des obstacles majeurs à la migration des salmonidés sont aujourd’hui loin de faire consensus dans la communauté scientifique. Les études récentes tendent à démentir cette affirmation –, alors que les bénéfices de ces structures en termes de complexité de l’habitat et de biodiversité sont largement reconnus et documentés (Biron, 2017).
  • Puisque les structures sont perméables, le bois dans les cours d’eau a peu d’impact sur les niveaux d’eau : le potentiel de générer des inondations est donc minime. En ralentissant l’écoulement, elles contribuent même à atténuer les crues en aval. Cela dit, des enjeux de sécurité pourraient être soulevés à proximité des traverses de cours d’eau. Dans certains cas, des mesures de prévention simples peuvent être mises en place pour réduire au minimum les risques (voir le Guide d’analyse de la dynamique de bois en rivière UQAC/UQAR, 2019). Il est important de bien évaluer la susceptibilité des tronçons visés aux inondations et de bien identifier les usages en place dans les zones inondables de manière à éviter que le bois ajouté ne représente une menace à la sécurité des personnes et des biens, auquel cas la MRC pourrait être contrainte d’intervenir pour rétablir le libre écoulement de l’eau en retirant le bois (Loi sur les compétences municipales, article 105).
Aménagement d’une structure de bois ancré transversal sur le cours d’eau Daneau à St-Elphège, Centre-du-Québec. Crédit photo : Rivières

Références

  • Beaver Solutions. (n.d.). Culvert protective fences. Retrieved February 3, 2025, from https://www.beaversolutions.com/get-beaver-control-products/culvert-protective-fences/
  • Biron, P. (2017). La restauration de l’habitat du poisson en rivière: une recension des écrits.
  • Boivin, M., Maltais, M., & Buffin-Bélanger, T. (2019). Guide d’analyse de la dynamique du bois en rivière.
  • Gurnell, A. M., Piégay, H., Swanson, F. J., & Gregory, S. V. (2002). Large wood and fluvial processes. Freshwater Biology, 47(4), 601619. https://doi.org/https://doi.org/10.1046/j.1365-2427.2002.00916.x Loi sur la qualité de l’environnement, (2021).
  • Loi sur les compétences municipales, (2023).
  • Règlement sur la tarification reliée à l’exploitation de la faune, (2023).
  • MELCCFP. (2023). Guide pour la demande d’un permis SEG.
  • MFFP. (2021). Résumé des exigences réglementaires relatives à la gestion des castors et au démantèlement des barrages de castor.
  • Morizot, B., Husky, S. (2024) Rendre l’eau à la terre: Alliances dans les rivières face au chaos climatique. Actes Sud (https://actes-sud.fr/catalogue/nature-et-environnement/rendre-leau-la-terre)
  • Naiman, R. J., Johnston, C. A., & Kelley, J. C. (1988). Alteration of North American streams by beaver. BioScience, 38(11), 753762.
  • Pollock, M. M., Beechie, T. J., Wheaton, J. M., Jordan, C. E., Bouwes, N., Weber, N., & Volk, C. (2014). Using Beaver Dams to Restore Incised Stream Ecosystems. BioScience, 64(4), 279290. https://doi.org/10.1093/biosci/biu036
  • Pollock, M. M., Lewallen, G. M., Woodruff, K., Jordan, C. E., & Castro, J. M. (2018). The Beaver Restoration Guidebook. http://www.fws.gov/oregonfwo/ToolsForLandowners/RiverScience/Beaver.asp
  • Pouliot, L. G., Demers, S., & Riopel, F. (s. d.). Renaturalisation de la rivière Fourchette en amont de la route du Moulin.
  • USDA. (n.d.). How to keep beavers from plugging culverts. Consulté le 4 février 2025, https://www.fs.usda.gov/t-d/pubs/htmlpubs/htm05772830/page05.htm
  • Wheaton, J. M., Bennett, S. N., Bouwes, N. W., Maestas, J. D., & Shahverdian, S. M. (2019). Low-tech process-based restoration of Riverscapes: design manual. Utah State University Restoration Consortium.

Rédaction

Louis Gabriel Pouliot

Sylvio Demers