Guide sur la restauration des cours d’eau

Méthodes alternatives à l'entretien des cours d’eau au Québec

Description

Les interventions visées par la présente fiche technique concernent la définition de l’espace de liberté au bénéfice du bon fonctionnement des processus hydrogéomorphologiques et de la santé des écosystèmes aquatiques. C’est une approche qui vise à restaurer un espace de mobilité latérale et d’inondabilité au long d’un cours d’eau, pertinente tant dans un contexte d’aménagement du territoire que dans celui de la restauration de milieux hydriques et humides riverains.

Contexte

Les aménagements anthropiques en rivière provoquent un déséquilibre hydrogéomorphologique (HGM) qui s’avère néfaste pour les écosystèmes fluviaux et riverains. La stabilisation des berges, par exemple, est une pratique largement utilisée dans tous les types de cours d’eau avec l’intention de limiter l’érosion et ainsi préserver les terrains et infrastructures riveraines. Pareillement, les digues construites aux abords des cours d’eau ont pour objectif de limiter les inondations naturelles dans la plaine alluviale des cours d’eau. Cependant, tant les processus d’érosion que d’inondations sont nécessaires pour assurer une série de fonctions écosystémiques, telles que la régulation des crues, le stockage de sédiments et la création d’habitats fauniques et floristiques.

Conception

  1. Détermination des styles fluviaux d’un cours d’eau
  2. Segmentation en tronçons homogènes
  3. Délimitation de l’espace d’inondabilité
  4. Délimitation de l’espace de mobilité
  5. Cartographie de l’espace de liberté.
  6. Analyse des contraintes anthropiques au sein de l’espace de liberté
  7. Planification et intégration des mesures d’adaptation aux contraintes
  8. Finalisation d’un plan de mise en œuvre
Type d’espace Caractéristique Utilité Détails
Espace de mobilité Espace prévu pour la mobilité latérale du cours d’eau. Peut être projeté sur une période de temps de 50 ans (M50) ou à long terme (Mplaine). Permet la continuité et l’équilibre hydrosédimentaire de l’amont à l’aval Espace plus restreint, peut s’implanter plus facilement dans un milieu urbain ou semi-urbain et permet de cibler les endroits à plus fort risque d’érosion.
Espace d’inondabilité Espace prévu pour les débordements dans la plaine alluviale. Permet une connectivité hydrologique latérale.

 

Espace plus large, mais permet une meilleure connectivité hydraulique avec la plaine alluviale et améliore la qualité de l’eau.
Espace de liberté Combinaison des espaces de mobilité et d’inondabilité.

 

Permet une restauration générale dans l’équilibre du cours d’eau, de sa plaine alluviale et de son écosystème.

 

Espace optimal permettant d’assurer les fonctions écosystémiques tout en prévenant les risques liés à la mobilité latérale et aux inondations.

Espace de mobilité et de liberté de la rivière Coaticook : cartographie de l’espace de mobilité comprenant (a) la mobilité projetée sur 50 ans (M50) et la mobilité projetée à long terme (Mplaine) et (b) l’espace minimal (inondations très fréquentes, mobilité et zones humides), l’espace fonctionnel (inondation fréquente et Mplaine) et l’espace rare (inondations exceptionnelles et faible mobilité).

Conseils techniques

L’espace de liberté est en avant tout une méthode d’analyse des cours d’eau permettant de documenter la nature des aléas hydrogéomorphologiques sur un territoire, de prévoir des mesures d’atténuation aux aléas ainsi que de planifier des actions de restauration de milieux hydriques et humides riverains. L’implantation d’un espace de liberté en tant que mesure de restauration peut être appliquée à différents types de tronçons ou tailles de cours d’eau, et être adaptée aux enjeux et aux besoins exprimés par les propriétaires riverains et par la communauté d’un bassin versant.

Voici quatre éléments à considérer pour sa mise en place :

  1. Priorisation des sites en fonction des dynamiques fluviales et des opportunités de restauration

L’espace de liberté est particulièrement pertinent sur les tronçons où la dynamique fluviale est active, mais peut aussi être mis en place sur d’autres sites présentant des opportunités de restauration écologique et d’amélioration des fonctions hydrologiques (exemple : cours d’eau redressé en milieu agricole).

  1. Une approche de restauration passive ou active

L’espace de liberté peut être mis en place par simple retrait des usages et infrastructures (restauration passive) ou inclure des interventions additionnelles pour accélérer la restauration (restauration active).

  1. Une mise en œuvre progressive et adaptative

L’implantation peut se faire par étapes, afin de faciliter l’acceptabilité sociale et s’adapter aux opportunités foncières et financières.

  1. Un cadre de gestion qui assure la pérennité de l’espace de liberté

Son intégration dans la planification territoriale et l’utilisation d’outils de conservation assurent sa viabilité à long terme.

Entretien et cycle de vie

L’espace de liberté ne demande aucun entretien dans l’optique où il est utilisé comme un outil de planification du territoire pour la gestion des aléas fluviaux.

Lorsqu’il est employé comme moyen de conservation et de restauration de milieux hydriques et humides riverains, l’entretien requis dépendra des mesures de restauration additionnelles (ex. végétalisation des berges, reméandrage, etc.) qui seront intégrées à l’espace de liberté. Dans le cas d’une restauration strictement passive (ex. retrait des activités anthropiques et végétalisation non assistée), un suivi floristique et un contrôle de base des espèces floristiques exotiques envahissantes et nuisibles seront nécessaires.

Autres considérations

  • Idéalement, la cartographie d’un espace de liberté devrait être réalisée à l’échelle de long segment de cours d’eau, bien qu’elle puisse également se limiter à un tronçon individuel en fonction des ressources disponibles pour le projet de restauration.
  • Il est essentiel de réaliser une analyse des contraintes, incluant un inventaire des usages, des biens et des infrastructures situés à l’intérieur de l’espace de liberté, de même qu’une analyse des perceptions (acceptabilité sociale) chez les propriétaires riverains et autres acteurs concernés (ex. municipalités, MTQ etc.).
  • L’organisation de séances de consultation et de concertation est nécessaire pour intégrer les contraintes des propriétaires riverains et des acteurs du bassin-versant.
  • Une analyse de faisabilité doit être réalisée en tenant compte des coûts, des sources de financements, de la règlementation et des outils de pérennisations (outils juridiques, contractuels, partenaires, etc.).

Références

Rédaction

Jean-Philippe Marchand et Janie Vin-Deslauriers