Guide sur la restauration des cours d’eau

Méthodes alternatives à l'entretien des cours d’eau au Québec

Les cours d’eau à deux niveaux

Description

Les cours d’eau à deux niveaux sont composés d’un chenal principal (premier niveau) entouré d’une petite plaine inondable (deuxième niveau). Cette configuration, inspirée des cours d’eau en milieu naturel, concentre l’écoulement à l’étiage et dissipe l’énergie lors des crues.

Contexte

La majorité des cours d’eau urbains et agricoles québécois a été modifiée afin de permettre l’occupation des terres riveraines : remblayage de la plaine inondable et de méandres, linéarisation, élargissement et/ou creusage du chenal d’écoulement. Il en résulte des cours d’eau profonds en forme de trapèze. Les cours d’eau à deux niveaux offrent une alternative à cette géométrie classique, présentant divers avantages :

  • Augmentation de la capacité hydraulique du cours d’eau ;
  • Rehaussement du niveau d’eau à l’étiage ;
  • Abaissement du niveau d’eau, de la vitesse d’écoulement, du débit maximal en période de crue, diminuant ainsi le potentiel érosif du cours d’eau ;
  • Amélioration de la qualité de l’eau grâce à la filtration des végétaux implantés ;
  • Diversification des habitats pour la faune et la flore aquatique ;
  • Régulation du transit sédimentaire ;
  • Diminution de la fréquence d’entretien du cours d’eau ;
  • Sécurisation des rives pour le passage de la machinerie agricole ;
  • Augmentation de la prévisibilité sur le comportement du cours d’eau pour les agriculteurs.

Les principales contraintes à leur mise en place concernent l’élargissement de l’emprise du cours d’eau (nécessaire dans le cas d’excavation d’une plaine inondable), les sorties de drain parfois trop profondes, ainsi que les coûts additionnels de conception et construction.

Figure 1 : Comparaison entre un cours d’eau canalisé classique (gauche) et un cours d’eau à deux niveaux (droite)

Tableau 1 – Techniques d’intervention pour la construction d’un cours d’eau à deux niveaux
Technique d’intervention Méthode Contextes possibles Conditions nécessaires
Excavation de plaines -Excavation de petites plaines le long des berges de chaque côté du cours d’eau -Cours d’eau en équilibre (stable)

-Érosion latérale

-Problématique d’inondations

-Espace disponible
Aménagement de banquettes -Retrait des sédiments accumulés sur le lit

-Ajout de matériaux de manière à former un chenal plus étroit

-Chenal large, eau stagnante

-Problématique d’accumulation sédimentaire et de colonisation par la végétation.

-Drains bouchés

-Énergie (pente et débit) suffisante pour le transit sédimentaire

-Largeur aménagée trop grande pour la capacité naturelle

Curage central -Excavation d’un chenal dans les sédiments accumulés sur le lit -Chenal large, eau stagnante

– Problématique d’accumulation sédimentaire et de colonisation par la végétation.

-Drains bouchés

 

-Énergie (pente et débit) suffisante pour le transit sédimentaire

-Bonne cohésion des sédiments accumulés

-Largeur aménagée trop grande pour la capacité naturelle

Conception

Dans le cas d’excavation de plaines, la largeur totale recommandée correspond normalement à 3 à 5 fois la largeur actuelle du chenal, mais elle pourrait être supérieure si l’espace est disponible. Le chenal d’écoulement (premier niveau) demeure normalement intouché lors de l’excavation.

Dans les cas de l’aménagement de banquettes et du curage central, les dimensions du chenal d’écoulement peuvent être déterminées à partir de cours d’eau de référence, présentant des dimensions naturellement ajustées à leur environnement. Des équations de géométrie hydraulique régionale peuvent être utilisées pour faciliter cette démarche (voir Leduc et Roy, 1990 ; Paradis et Biron, 2017 ; Boulet et collab., 2023).

Le choix du type de matériau pour les banquettes doit être basé sur l’objectif d’obtenir un chenal d’écoulement dynamique (mobile) ou fixe.

Des plans et devis signés par un membre de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) sont nécessaires pour la construction d’un cours d’eau à deux niveaux.

FIGURE 2 – Exemples de cours d’eau à deux niveaux.

Conseils techniques

  • Il importe de végétaliser rapidement et densément toutes les surfaces dénudées afin de stabiliser l’aménagement. Pour ce faire, l’hydroensemencement ou l’ensemencement manuel en plusieurs phases s’avèrent des options intéressantes, pourvu que les semences utilisées soient adaptées aux inondations fréquentes.
  • Si l’objectif est de stabiliser de manière optimale les banquettes pour un enjeu particulier, des phytotechnologies peuvent être utilisées.

Entretien et cycle de vie

Des ajustements spontanés dans la morphologie du cours d’eau sont à anticiper dans les années suivant les travaux. Bien que ces ajustements ne soient pas en soi problématiques, le ravinement, le colmatage du lit ou l’érosion généralisée ne sont pas souhaitables et peuvent nécessiter des corrections.

 Enfin, une attention particulière doit être portée à l’état de la végétation. Selon les crues ou les sécheresses ayant affecté le cours d’eau, des végétaux pourraient devoir être réimplantés.

Autres considérations

  • Portez attention aux sorties de drain ; si possible, aménagez-les au-dessus du deuxième niveau afin de maximiser la filtration de leur eau par la végétation.
  • Si les conditions sont réunies, les cours d’eau développent par eux-mêmes des morphologies à deux niveaux. Parfois, il suffit d’être patient (délai variable, de l’ordre de 5 à 20 ans) pour obtenir un cours d’eau à deux niveaux.
  • Dans le cas des cours d’eau accumulant des sédiments, l’accumulation pourrait se poursuivre si les sources en sédiments dans le bassin versant en amont ne sont pas contrôlées. Priorisez d’abord le contrôle l’érosion à la source, par le biais de l’adaptation des pratiques culturales et des aménagements hydro-agricoles.

Références

  • Boulet, Y., Boivin M. et Biron P. (2023). Rapport final sur le développement de courbes de géométrie hydraulique adaptées à différents contextes physiographiques au Québec présenté au MELCCFP. Laboratoire d’expertise et de recherche en géographie appliquée (LERGA-UQAC). Disponible sur le Portail des connaissances sur l’eau.
  • Leduc, C., & Roy, A. G. (1990). L’impact du drainage agricole souterrain sur la morphologie des petits cours d’eau dans la région de Cookshire, Québec. Géographie physique et Quaternaire, 44(2), 235-239.
  • Paradis, A., & Biron, P. M. (2017). Integrating hydrogeomorphological concepts in management approaches of lowland agricultural streams: Perspectives, problems and prospects based on case studies in Quebec. Canadian Water Resources Journal/Revue canadienne des ressources hydriques, 42(1), 54-69.
  • SOGREAH (2010). Restauration physique des milieux aquatiques et gestion des risques d’inondation sur le bassin versant de la Beze. Phase 2: Élaboration d’une logique d’action. Édition définitive, #4160520.
  • Witter, J. et Ward, A. (2012). Alternative Ditch Design and Management Strategies: Lessons Learned. Indiana Watershed webinar series.

Rédaction

Félix Riopel, Sylvio Demers et Louis-Gabriel Pouliot