Guide sur la restauration des cours d’eau

Méthodes alternatives à l'entretien des cours d’eau au Québec

Les phytotechnologies pour restaurer les propriétés physiques et écologiques des berges

Description

Les techniques présentées dans cette fiche reposent sur l’utilisation des végétaux vivants pour restaurer les propriétés physiques et écologiques des berges dégradées. Plusieurs techniques sont envisageables selon le degré d’intervention nécessaire. Selon les problématiques propres à chaque secteur, il est possible de protéger une berge avant même que le processus d’érosion ne soit enclenché. Dans d’autres cas, ces techniques permettent de restaurer un couvert végétal fonctionnel lorsque les contraintes hydrauliques et géotechniques ne favorisent pas la végétalisation naturelle. Elles peuvent également stabiliser les horizons de sols superficiels tout en offrant des services écologiques.

Contexte

La perte du couvert végétal en berge rend cette dernière particulièrement vulnérable à l’érosion. Des travaux, comme la plantation et l’ensemencement, peuvent minimiser le problème, mais sont insuffisants si les contraintes hydrauliques et géotechniques sont trop importantes. Il convient alors d’utiliser des techniques plus élaborées, qui auront un effet de stabilisation plus conséquent. Que l’on parle de phytotechnologie ou de génie végétal, ces approches reposent sur les mêmes principes fondamentaux : l’intégration du vivant dans les ouvrages de stabilisation pour renforcer la résilience des berges.

Restauration de berge – Plage Jacques-Cartier

Conception

La conception d’un ouvrage efficace et durable nécessite la mobilisation de plusieurs expertises complémentaires, minimalement en hydraulique, en hydrologie, en géotechnique et en écologie. Cette collaboration interdisciplinaire est essentielle pour assurer la cohérence des interventions avec les dynamiques naturelles du site.

Avant d’entreprendre la conception, il faut s’assurer de bien connaître les causes du déséquilibre, les propriétés de la pente et celles du milieu naturel. Plus précisément :

  • Une étude hydraulique et hydrologique qui :
    • Détermine les contraintes tractrices en action, et donc, le niveau de résistance mécanique nécessaire de l’ouvrage.
    • Identifie les niveaux d’eau en période d’étiage et de crue afin de positionner adéquatement l’emplacement des différentes composantes de l’ouvrage, dans le talus, en particulier, la technique de pied de berge.
  • Une étude géotechnique qui :
    • Cible les zones de contraintes particulières (glissements de terrain, résurgences, argiles instables).
    • Caractérise la morphologie de la pente, ce qui orientera le choix des techniques
  • Une étude écologique qui :
    • Identifie la communauté végétale d’origine ou de référence ainsi que les conditions de croissance, afin de choisir les espèces adaptées au site.
    • Constitue un élément clé pour l’obtention des autorisations.

Conseils techniques

  • Planifier le calendrier de réalisation : Le calendrier du projet doit concilier les contraintes de réalisation des travaux et les périodes propices à l’implantation des végétaux. Les périodes automnales (octobre-décembre) et printanières (mars-mai) sont les plus propices. Si la récolte de boutures en nature est envisagée, un plan d’échantillonnage détaillé doit être élaboré et les options d’entreposage doivent être connues avant de débuter.
  • Adapter les techniques au contexte : Bien connaître le contexte d’application propre à chaque technique permet de les appliquer efficacement. Dans la majorité des cas, la solution comprend une combinaison de techniques.
  • Travailler en continuité avec le littoral : Il ne faut pas se restreindre au-dessus de la limite du littoral, S’inspirer, lors de la conception, de la répartition naturelle des groupes d’espèces présents à proximité permet d’assurer une meilleure intégration écologique.
  • Rabattre l’inclinaison de la berge en dessous de 30% : La modification de la pente augmente le choix de techniques, facilite l’exécution des travaux et recrée une berge naturelle, plus stable et une connectivité écologique élevée.
  • Assurer un bon ancrage dans le talus : Un ouvrage parfaitement intégré au profil du talus a toutes les chances de résister. Il est recommandé de ramener l’amont et l’aval de l’ouvrage vers l’intérieur du talus. Les extrémités sont parmi les principaux endroits de défaillance.
Spécificités et emplacement préférentiel de plusieurs techniques
Technique Spécificité Emplacement
Boutures ·         Privilégier cette méthode sur les sols lâches et humides (éviter les sols très pierreux ou cohésifs)

·         Utilisée souvent en combinaison avec d’autres méthodes

Haut de pente ou plus bas si des techniques plus linéaires sont impossibles
Rang de plançons ·         Approprié lorsque les sols sont instables (ex. texture sableuse ou sols récemment remaniés)

·         Efficace pour ralentir le ruissellement de surface

Le long de la pente
Fagots ·         Technique utilisée lorsqu’une pente forte ne peut être adoucie ou encore lorsque la pente est longue Le long de la pente ou bas de pente
Fascines ·         Généralement une seule rangée de fascines est aménagée en bas de pente et complétée avec d’autres techniques au-dessus Bas de pente
Matelas de branche ·         Action de protection à l’érosion immédiate

·         Permet une reprise et une croissance rapide de la végétation (couvert végétal dense)

Le long de la pente
Caissons végétalisés ·         Action stabilisatrice immédiate

·         Méthode efficace pour les pentes fortes et qui ne peuvent pas être reprofilées

·         Utilisé pour remplacer les murs de soutènement ou les gabions

Le long de la pente
Exemple d’aménagement utilisant une combinaison de techniques (tiré de Société de la Faune et des Parcs, 2003)

Entretien et cycle de vie

Les premières années sont critiques pour la pérennité de l’ouvrage. Le bon développement des végétaux et l’intégrité structurelle des aménagements doivent faire l’objet d’un suivi rigoureux, surtout durant les deux premières années, et particulièrement, à la suite des épisodes de pluies importantes et de crues saisonnières. Un suivi régulier doit être maintenu pendant 3 à 5 ans après l’implantation. Des mesures correctives doivent être apportées dès que possible afin d’assurer la réussite du projet. Une fois que les végétaux ont atteint leur maturité, l’entretien devient minimal, voire nul.

Éléments clés d’un projet réussi

  • Documentation suffisante du site et de la problématique
    • Propriétés physiques et écologiques de la berge
  • Équipe de projet qualifiée
    • Compétences en hydraulique, hydrologie, géotechnique et écologie
  • Prise en compte des fonctions écologiques dans le choix de la solution
    • Gains écologiques importants à réaliser sous la limite du littoral
    • Combinaison de plusieurs espèces lorsque c’est possible, même si on se limite au genre Salix
  • Planifier minutieusement
    • Approvisionnement, entreposage et implantation des végétaux
  • Établir un suivi rigoureux
    • Ne pas négliger le suivi, particulièrement durant les premières années

Autres considérations

  • L’application des phytotechnologies en berges demande :
    • d’inclure les gains écologiques dans l’évaluation de la performance,
    • d’accepter et de partager les risques,
    • une dose d’humilité et d’audace.
  • Un retour d’expérience, en particulier sur le moyen et long terme, favorise grandement l’expansion des phytotechnologies au Québec.

Références

Rédaction

Stéphanie Langevin

Dominic Desjardins

Sophie Pouliot

Audrey Lachance