Dans le cadre du suivi post-restauration, il est courant de recourir à une combinaison d’indicateurs et d’indices. Bien que les deux termes soient parfois utilisés de manière interchangeable, ils désignent des outils complémentaires :
- Un indicateur est une variable mesurable ou observable (ex. présence d’une espèce, taux de couverture végétale, turbidité de l’eau) qui renseigne directement sur l’état ou l’évolution d’un écosystème.
- Un indice est une valeur issue d’une agrégation d’indicateurs ou de paramètres, souvent normalisée ou pondérée, permettant d’évaluer un phénomène complexe à l’aide d’une seule valeur synthétique (ex. IQM, FBI, ISB).
Les sections suivantes présentent divers indicateurs et indices fréquemment utilisés dans les suivis de restauration, en les regroupant selon les composantes du milieu.
Indicateurs/indices hydrogéomorphologiques
Indice de Qualité Morphologique (IQM) : évalue la complexité et la naturalité des formes et processus fluviaux (Pouliot et coll., 2024 ; Lemay et coll., 2021 ; Rinaldi et coll., 2013).
Mobilité latérale : se mesure par le suivi des déplacements du chenal à l’aide de relevés GPS, d’images satellites, de drones ou de photographies historiques (par exemple via Forêt Ouverte). Des repères fixes comme des piquets perpendiculaires à la berge permettent un suivi simple et reproductible.
Exemple pratique : Des piquets de bois ont permis de mesurer la mobilité latérale sur cinq ans à l’aide d’un ruban à mesurer et de photos archivées, révélant une reprise de la dynamique fluviale naturelle.
Connectivité hydrologique et sédimentaire : Peut être évaluée par stations de jaugeage, piézomètres ou observations ponctuelles des niveaux d’eau souterraine et de surface. L’installation de tiges graduées, lisibles à distance, ou le recours à des drones permettent de suivre l’étendue des crues. Des indices de terrain, comme les laisses de crue ou les zones d’érosion et de dépôt, fournissent aussi des informations utiles.
Indicateurs/indices biologiques
Végétation riveraine : suivi de la structure, de la diversité et des fonctions des communautés végétales. Il est notamment essentiel de distinguer les espèces indigènes, exotiques, envahissantes et nuisibles, en tenant compte de leur impact sur l’écosystème et les usages humains.
Qualité de l’habitat aquatique :
- QHEI (Quantitative Habitat Evaluation Index) : développé par l’EPA (Ohio), il évalue la nature du substrat, la morphologie, l’érosion des berges, la diversité des régimes d’écoulement, etc. (Ohio EPA, 2006).
- IQH (Indice de qualité de l’habitat) : utilisé au Québec pour caractériser la capacité d’un cours d’eau à soutenir la vie aquatique (MDDEPFP, 2013)
Faune aquatique et terrestre :
Les suivis incluent les poissons, les insectes terrestres (incluant les araignées), les oiseaux champêtres et l’herpétofaune (reptiles et amphibiens). Ces groupes fauniques sont particulièrement sensibles aux changements dans la structure des habitats riverains et aquatiques, ce qui en fait de bons indicateurs de la qualité écologique d’un site restauré.
Pour documenter l’évolution de la biodiversité dans le temps, il est pertinent d’utiliser des indices de diversité, tels que l’indice de Shannon-Wiener, qui mesure à la fois la richesse en espèces et l’équilibre de leur répartition. Ces indices offrent une mesure synthétique de la diversité faunique et permettent d’évaluer l’effet global des restaurations sur les communautés animales.
Outils simples de suivi :
- Pièges fosses pour les insectes et araignées terrestres (Pearce & Venier, 2006) ;
- Bourroles ou filets pour les petits poissons ;
- Enregistreurs audio pour les oiseaux et amphibiens, surtout au printemps pendant la reproduction.
Indicateurs/indices de qualité de l’eau
Paramètres physico-chimiques :
- Nutriments : nitrates et phosphore : indicateurs d’eutrophisation ;
- Pesticides (ex. glyphosate) : fréquemment détectés en milieu agricole ;
- Polluants : hydrocarbures, métaux lourds : fréquents en zones urbaines ou industrielles.
Indices basés sur l’inventaire des macroinvertébrés benthiques :
- FBI (Family-level Biotic Index) : indice de tolérance à la pollution basé sur les macroinvertébrés identifiés au niveau de la famille.
- ISB (Indice de santé du benthos) : basé sur six composantes de la communauté (richesse taxonomique, tolérance, composition), adapté aux substrats grossiers ou meubles.
Ces indices sont utilisés dans les programmes québécois comme SurVol Benthos et permettent de juger à la fois de la qualité physico-chimique et de la santé globale des habitats aquatiques.
Indicateurs socio-économiques
Tel que mentionné précédemment, l’intégration des parties prenantes visées par les mesures de restauration est essentielle pour documenter à la fois le niveau d’acceptabilité sociale, les perceptions des bénéfices, et les contraintes associées aux projets. Ces indicateurs, bien que plus qualitatifs et relatifs que les paramètres physiques ou biologiques, jouent un rôle clé dans la pérennité des interventions et dans l’adaptation des mesures à long terme.
- Rencontre avec les propriétaires des terrains : il est recommandé de planifier deux rencontres annuelles, planification en début de saison et bilan à la fin de l’année. Même de nature informelle, ces échanges favorisent le développement de relations de confiance entre les porteurs de projet et les propriétaires, tout en permettant d’ajuster les interventions de restauration selon les réalités du terrain.
- Des suivis au niveau des communautés de bassin versant : ils permettent d’élargir la portée des projets, d’encourager la réplication des bonnes pratiques ailleurs sur le territoire et de nourrir des dynamiques collectives favorables à la résilience territoriale.
- Les indicateurs socio-économiques : doivent refléter les besoins spécifiques du milieu. Ils peuvent être appuyés par des outils complémentaires, tels que :
- Des questionnaires simples à choix de réponses, administrables en ligne ou lors d’événements publics, afin de mesurer l’appréciation des riverains et usagers ;
- Des entretiens semi-dirigés pour recueillir des perceptions détaillées sur les bénéfices perçus ou les préoccupations ;
- Des ateliers de concertation en petits groupes (ex. assemblés de cuisine), qui offrent des espaces de dialogue plus ouverts et participatifs.
Selon la nature des échanges et le public visé, les modalités (rencontres en personne ou virtuelles) doivent être adaptées. Dans certains cas, une approbation éthique peut être requise pour l’utilisation des données recueillies à des fins de recherche ou de diffusion.
