Creuser n’est pas toujours la bonne solution !
Les actes d’entretien sont, par nature, non durables et doivent être réalisés régulièrement pour préserver la géométrie des cours d’eau aménagés. La fréquence de ces interventions varie en fonction de plusieurs facteurs, tels que la nature des sols, la pente du cours d’eau, la présence de zones inondables, les variations de dénivelé et l’usage des terres environnantes. Ainsi, la récurrence des entretiens peut varier de 20 à 40 ans, et certains cours d’eau aménagés peuvent ne jamais nécessiter de curage. Toutefois, ces travaux entraînent des perturbations répétées pour les riverains et peuvent avoir un impact significatif sur la faune et la flore des milieux aquatiques.
L’entretien de cours d’eau n’est pas toujours la solution optimale pour résoudre les problématiques encourues chez les riverains. Il peut parfois aggraver la situation en entretenant la problématique. Le creusage rétablit un chenal d’écoulement trop large réduisant la vitesse de l’eau à l’étiage, ce qui favorise une nouvelle accumulation de sédiments. De plus, l’érosion du lit et des berges, ainsi que la perte de terrain, est désormais reconnue comme des conséquences directes des travaux d’entretien.
Ces effets indésirables suscitent aujourd’hui une remise en question des plans d’aménagement initiaux, afin de privilégier des solutions alternatives plus efficaces et durables. Les récentes avancées scientifiques reconnaissent que l’entretien ne doit être qu’une option parmi d’autres, qui doivent être évaluées et sélectionnées au cas par cas, selon les circonstances.
Face à ces constats, il faut promouvoir des modes de gestion mieux adaptés et réserver les actes d’entretien aux circonstances qui le justifient.
Qu’est-ce qu’un entretien de cours d’eau ?
L’entretien des cours d’eau consiste à restaurer la géométrie du chenal d’écoulement des cours d’eau conformément aux plans d’aménagement préétablis, principalement en procédant à l’excavation du lit. Ces cours d’eau ont été préalablement aménagés et, le plus souvent, redressés.
L’aménagement des cours d’eau au Québec a débuté avec le drainage agricole pour améliorer la qualité des sols et favoriser les récoltes, un rôle d’abord assumé par les municipalités dès 1870, puis mécanisé au XXe siècle sous l’impulsion du ministère de l’Agriculture. De nombreux cours d’eau ont ainsi été modifiés, voire créés afin d’optimiser le réseau hydrique. Depuis 2001, les MRC sont responsables de l’entretien des cours d’eau, conciliant besoins hydrauliques et exigences environnementales, avec des interventions axées sur le maintien de la capacité d’évacuation de l’eau.
En raison de la position basse des sorties de drains dans le talus, souvent directement sur le lit du cours d’eau, la profondeur du profil d’aménagement en est fortement influencée. Les interventions d’aménagements, qui impliquent l’excavation de canaux dans les milieux humides ainsi que le redimensionnement de la géométrie des cours d’eau, concernent divers secteurs d’activité, notamment agricole, résidentielle, commerciale et forestière.
Cours d’eau aménagé pour aider au drainage en milieu agricole. L’accumulation de sédiments peut créer des banquettes végétalisées qui peuvent obstruer le drainage souterrain ou amplifier les inondations sur les terres agricoles. MRC de Portneuf, (C) Rivières.
Depuis leur aménagement, certains cours d’eau continuent d’évoluer par l’érosion, le transport et l’accumulation de sédiments et conséquemment, à l’envasement des sorties de drain. Ces processus sont naturels, mais sont aussi amplifiés par les activités humaines. Ces changements dans le cours d’eau peuvent occasionner des dommages et des inconvénients aux personnes et aux biens. C’est pourquoi il est parfois justifié de procéder à des travaux d’entretien pour rétablir un état satisfaisant pour le maintien des usages par les riverains.
L’entretien de cours d’eau vise à reproduire la géométrie du chenal d’écoulement à sa forme prévue lors de son aménagement en excavant les sédiments qui se sont accumulés sur le lit afin de rétablir la capacité à évacuer l’eau vers l’aval.
Séquences dans l’évolution des cours d’eau aménagés en milieu agricole. ©Rivières
Cadre réglementaire
Les articles 103 à 110 de la Loi sur les Compétences municipales précisent les obligations et pouvoirs de la MRC en matière de gestion de cours d’eau. Plus spécifiquement, deux articles encadrent les responsabilités de la MRC au regard des travaux d’entretien et d’aménagements de cours d’eau.
Article 105 de la LCM : une obligation d’agir
Toute municipalité régionale de comté doit réaliser les travaux requis pour rétablir l’écoulement normal des eaux d’un cours d’eau lorsqu’elle est informée de la présence d’une obstruction qui menace la sécurité des personnes ou des biens. […]
Article 106 de la LCML : un pouvoir discrétionnaire
Toute municipalité régionale de comté peut réaliser des travaux permettant la création, l’aménagement ou l’entretien d’un cours d’eau. Ces travaux peuvent être exécutés dans le lit, sur les rives et les terrains en bordure de celles-ci.
L’application de ces dispositions laisse une large place à l’interprétation – voir Guide sur la gestion des cours d’eau du Québec, version 2024, Chapitre 1, p. 57-76. C’est pourquoi les MRC se dotent d’un pouvoir discrétionnaire sur la décision d’accepter ou non une demande d’entretien. Cette décision se fait à la lumière de sa propre appréciation de la problématique et de la jurisprudence disponible qui l’aide à mieux encadrer l’application de ses devoirs et responsabilités.
Processus administratif
Une politique de gestion des travaux, adoptée par une MRC, établit les étapes à suivre pour l’entretien des cours d’eau (Guide sur la gestion des cours d’eau, chapitre 4, section 1.4.2). Elle permet à la MRC d’exprimer sa vision et de préciser son mode d’intervention face à une demande. Bien qu’aucune procédure unique ne puisse couvrir tous les cas de figure, chaque MRC, municipalité locale ou mandataire doit définir celle qui répond le mieux à ses besoins.
À titre indicatif, les étapes de réalisation peuvent inclure, selon la réalité propre à chaque MRC :
- Dépôt d’une demande d’entretien par un propriétaire riverain
- Inspection et diagnostic
- Analyse du projet
- Évaluation de l’admissibilité et recherche de solutions alternatives
- Conception des plans et devis
- Rencontre des parties prenantes
- Demande d’autorisations gouvernementales
- Appel d’offres
- Exécution des travaux et surveillance du chantier
- Facturation